DUNA : Danube en hongrois
Les feuilles jonchent le sol. L’automne encore.
Je marche à pied avec Yvann.
Mon peuple, ma patrie est très petite, réduite aux proches.
C’est la seule dont je puisse me réclamer, sinon plus vastement d’être humaine.
Peu de sourires ressemblent à ceux des enfants :
francs, grands et lumineux au-delà même du visage.
Partir, à chaque fois, c’est te dire adieu. Je ne peux pas
m’empêcher de penser que je ne te reverrai pas.
Autrefois, la paix me donnait envie de mourir. Comme un
paysage d’une extrême platitude. J’avais besoin d’aspérité, d’à-pic, de falaise
et de désespoir pour me sentir exister. Et maintenant j’aspire à la vie
tranquille, d’immenses plaines dégagées. On peut voir loin, peut-être jusqu’à
la mort. Le chemin est tracé à travers champ et personne n’est là pour me voir.
Les premiers froids – ceux qui giflent les joues – sont
bons. C’est comme sauter à pieds joints dans un ruisseau. C’est comme changer
de peau.
La brume monte des pâturages et les oiseaux volent bas.
Parfois la rousseur d’un arbre apparaît, se détache de la mélasse grise et
blanche, épaisse, collante. Et puis, parfois, un petit pan de ciel, bleu, comme
un mouchoir de poche. Un miracle.
Un père tresse les cheveux de son enfant. Cela dure
longtemps. Il s’applique. Lorsqu’il a fini, enfin, il l’embrasse. Tendrement.
Et elle le regarde avec des yeux d’amoureuse. Comme un fleuve qui s’étire avec
langueur et plein de sa vie d’en dessous.
Il y a ces moments de détresse, réguliers comme la lune, de
vide. Tout se perd, s’évapore.
Les fenêtres peuvent former des cartes postales.
Elle habite une grande ville. Il y a la mer et des ciels
purs.