un texte de novembre

solitude
silence
froid

une âme
encore petite
pousse sous la boîte crânienne
se déplace jusqu’aux doigts

la seule chose qui bouge

je ne sais rien
mes poumons comme deux grosses pivoines
veinées de rose et d’opaline
pourtant l’hiver s’en vient

et le sang a ses marées
ces chaudes marées

les courants sont forts
entraînent au large
entraînent au loin
si bien qu’on n’en revient pas

ce sont les images
qui reviennent

dos cambré
je vois la lumière disparaître
à mesure que je m’enfonce dans l’eau

je rencontre la méduse
je rêve dans la fragilité de son halo
et chaque seconde efface la précédente

autour
l’espace est fait d’éclairs
de fulgurances
un serpent glisse

les serpents
les pensées
alertes
agiles
s’éclipsent

si vite

ce sont nos pas
sur le même sentier
pour une heure
et incertains

nos pas
comme nos mains
cherchent

une sente
une clairière
un sein

je nous revois là
blancs dans la lumière verte
des sous-bois
et gauches

si jeunes

les lèvres rougies du désir
et trop empressés
et naïfs
et gais
comme des enfants
comme des rois
inconscients

solitudes trop vastes
infinis silences
froids cinglants
qu’on ne manquera de regretter
et l’air raréfié

dans la pièce aux carreaux de ciment
avec les objets connus
chauds
et vivants

les souvenirs

malgré le froid
la solitude
le silence

et la montagne
qui ne bouge pas
enveloppée de thym et de nuages
lointaine

une brèche
d’un gris plus blanc
d’un gris plus jaune
un choc dans la mer des nuages
qui avancent avec les oiseaux
des mouettes
et le passage des étourneaux

ils planent
un plan sur lequel ils flottent
comme mon cœur flotte

vertige de mon cœur
qui ne veut pas dégringoler
qui veut être la montagne
largement enracinée
champignon calcaire
qui ne veut pas bouger
seulement battre

dans la pièce assombrie par l’orage
dans la faible lumière de la lampe
avec mon désir sur les bras
gigantesque

et les souvenirs

le silence
la solitude
le froid

chacun pourrait plonger à sa guise sous la pluie
chacun le pourrait

et mon corps
lui
veut être grotte
forêt

demain
les premières neiges tapisseront les Alpes
et diffracteront la lumière
des adolescentes materneront leur nouveaux-nés
les choses les plus simples se répéteront
et je me réveillerai moi aussi
dans la lumière de novembre