ciel



il n’y a qu’à lever les yeux
le ciel est là
immense
parcouru de nuages et d’oiseaux
de vents contraires
bouleversants
les cheveux
les âmes
et les feuilles

mirage

nos yeux s’y trempent
comme un caillou s’enfonce dans l’eau
irrémédiablement
et avec lenteur

les pupilles dilatées
le corps dilaté
et le cœur
grand ouvert
courant d’air
se dévide

ses sentiments sont puissants

cieux clairs
livides
aveuglants
purs
délavés
éparpillés
de tout côté
enserrant la perception
puis grondants
qui s’ouvrent
pluie ou foudre
traits obliques ou cassés
se ruant sur nous
lavant
brûlant

arc en ciel
et nos bouches
comme le ciel
alors s’ouvrent

par dessus
le grand incendie
et les cendres volatiles
on souffle
confettis rabattus au sol

on passe le plat de la main

le ciel est lissé
comme un drap décoloré
par d’incessants lavages
se déploie se gonfle
et se dépose

le ciel avance
d’un bloc
d’un bleu
comme un seul homme
le ciel prend feu
et fonce peu à peu

à cette heure
il sera d’un bleu profond
comme une mer d’août
d’huile
insondable
et sans fond


pourtant
les étoiles tournent
les poissons tournent
et les chevaux
en de telles vastitudes
qu’on renonce à tendre le bras
pour toucher
caresser la poussière
et les écailles
les corps mous
gazeux
gluants

le soleil finit toujours
par disparaître
et les forêts millénaires

alors
le ciel s’ouvre
allume une à une
avec une application infinie
ses milliers de bougies

prêtes à blaguer
les étoiles crèvent le ciel
le matin blanc pâle
se chargera de les souffler

restera la rosée
la terre grumeleuse
de museaux humides et retroussés
tout vibrants
et enivrés de bois
de ruisseaux

la terre
striée d’eaux
de sveltes truites roses
d’insectes si légers
qu’ils marchent à la surface des marécages
de touffeurs inquiétantes
gigantesques fougères
carnassières
avalant les mouches

je marche
rien ne bouge
le monde s’est arrêté de bruire
de sourdre

le forêt m’est une voûte
l’ombre un refuge
je bois l’eau des torrents
les pierres y dégringolent
je vois la sève circuler dans les tiges
je traverse la transparence du monde
chaque tronc m’enveloppe
se referme sur moi

un long temps passera
ne restera alors
qu’un tas d’os bien blancs
puis de poussière
laquelle s’envolera
pour briller dans les puits de lumière
et nourrir les cloportes